Demande de Pension formulée par Claude-Alexis ONeill au Général Marquis de Langeron (1789)

Dans le fonds Bressand de Raze (Archives départementales de Vesoul, cote 4J30), on découvre une requête de Claude-Alexis Ó Néill, alors âgé de 43 ans, pour obtenir une pension d’invalide auprès du commandant des armées de Franche-Comté, le marquis de Langeron.

Il a obtenu – sur le tard, à 33 ans – un brevet de sous-lieutenant du roi dans la garnison d’Enghien. Mais, ne recevant pas d’appointements et faute d’activité, Claude-Alexis peine à survivre.

Ce fonds contient les documents suivants:

– Le brouillon de la lettre écrite de la main de Claude-Alexis
– La lettre définitive probablement arrangée et réécrite par un écrivain public

Brouillon de la demande de pension

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« Mon General,

Un malheureux a des droits sur votre cœur et ils lui sont plus incontestablement acquis sy ce malheureux est un gentilhomme dont les ayeuls ont rendus des services a leur prince et a l’Etat

Les troubles que le royaume d’Angleterre a eprouvé sous Jacque II ou les Ô-Neill fidel à leur Roy suivirent en France ce prince infortuné Ce fut a cet époque que Gordon Ô-Neill leva avec ses parents 12. régiments qu’ils entretinrent pendant trois mois a leur compte contre Guillaume trois roy d’Angleterre et après la bataille d’Akrime [Aughrim] Gordon Ô-Neill passa en France et commanda son regiment composé de 1400 hommes jusqua la paix de Riswik et depuis lors et jusquen 1724 ils nont cessé de servir en France dans les premiers grade L’un marchal de bataille fut signalé dans le siêge d.Aras l’autre sous les regnes de Louis XIV et Louis XV a servis avec distinction ces monarques en qualité de lieutenant colonel dans le régiment de Lee irlandois et Chevallier de St Louis

Son bisayeul est mort capitaine

Son ayeul dans a servis dans la Cornette Blanche cavallerie

Lexposant a servis dans la Légion de Condé et a obtenus un brevet dans les Régiments Provinciaux sans apointement malgré tous ces tittres Le dessendant de ces grands hommes dans l’un et l’autre royaume France et Irlande gemit dans la poussiere sans activité dans le service du Roy ayant a peine du pain et réduit bientôt a lextrême indigence que lexposant Claude Alexis Ô-Neill officier dessend de ces glorieux transfuges quils ayent occupé les postes distingués dont il vient de parler quils les ayent remplis d’une maniere noble et mâle Cest cequil est pret de justifier et vous en offre des preuves sans réplique

La situation de lexposant presente le tableau le plus touchant puis quil est privé du necessaire a la vie il attend l’existance par les egards de la noblesse et des bontés de la Cour

Mon General daignés honnorés moy de votre protection en faisant valloir les services dont je viens de parler et je vous devrés mon bon existance et mon bonheur »

Lettre au marquis de Langeron

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« Mémoire

Avril 1789

A Monsieur
Monsieur le Marquis de Langeron,
chevalier des ordres du Roi, lieutenant Gal de ses armées, et commandant en chef en   Franche Comté, etc.

Mon Général,

Claude Alexis Ô-Neill, né à Vesoul en 1746, sous-lieutenant de garnison au Bataillon de Garnison d’Enghien, a l’honneur de Vous réprésenter ;

Qu’il est issu d’une famille irlandoise dont l’ancienneté et l’illustration sont assez connues pour les troubles que le royaume d’Angleterre éprouva sous Jacques II, à qui elle rendit les services les plus signalés, et qu’elle ne voulut pas même abandonner dans son infortune, lorsque son malheureux souverain fut forcé de descendre de son trône pour se réfugier en France, attachement qu’elle lui témoigna encore d’une maniere bien généreuse lorsque ce Prince tenta de rentrer dans son Etat ;

Que dépuis cette époque, la famille des Ô-Neill a toujours été attachée au service de France, et s’y est distinguée ; Entr’autres, Eugêne Ô-Neill, maréchal de bataille, qui en 1640 soutint avec éclat le siège d’Arras. Son petit fils a servi avec distinction les Rois Louis XIV et Louis XV en qualité de lieutenant colonel dans le Regiment de Lee, jrlandois. Le bisayeul de l’exposant est mort capitaine, et son ayeul ayant servi dans la Cornette Blanche.

Que, malgré sa descendance en ligne directe de ces glorieux transfuges, l’exposant n’en ayant hérité que leurs sentimens et leur courage, sans aucune fortune, il a gémi jusqu’à présent sous la dure nécessité de ne pouvoir s’illustrer par des services personnels analogues à sa naissance. En 1765, il s’engagea en qualité de Dragon dans la Légion de Condé où il fut réformé deux ans après, faute de taille. Jl a obtenu en 1779 un brevet de sous-lieutenant dans le Bataillon de garnison d’Enghien ; mais n’ayant pas de fortune pour soutenir un service sans activité et par conséquent sans appointemens dépuis dix ans que Sa Majesté l’a honoré du susdit brevet, il a été obligé pour subsister, de recourir à la commisération de parents généreux qui prennent sur leur nécessaire pour l’entretenir avec quelque décence.

Dans cette triste situation, Mon Général, l’exposant n’apperçoit dans l’avenir que le tableau le plus effrayant s’il n’a le bonheur d’emouvoir en sa faveur les égards de la noblesse militaire, et les bontés de la Cour, en considération des services de ses ayeux, et de la position la plus critique du plus malheureux gentilhomme.

C’est pourquoi, Mon Général, il vous supplie avec la plus respectueuse confiance de l’honorer de votre protection, pour lui faire accorder une lieutenance d’invalides ; en l’obtenant, il se glorifiera dans tous les tems de vous devoir son existence, et de vous consacrer, avec son cœur, la plus vive reconnoissance et le plus entier dévouement.

                                                    memoire

            Memoire. »