Marc O’Neill (1909-1956)

Homme d’engagement, résistant et mort pour la France



Marc O’Neill, alias : Formule pour les Anglais, et Marc pour la Résistance française.

Marc Marie Patrick O’Neill est né le 29 octobre 1909 au Mans dans la Sarthe ; son père, le général O’Neill, est mort des suites de ses blessures reçues pendant la Grande Guerre. Il entre à l’Ecole Militaire Spéciale de Saint-Cyr en 1930 et en sort dans la promotion « Joffre », puis entre à l’Ecole de Cavalerie de Saumur.

1939 : Il est d’abord affecté au 3e Régt d’automitrailleuses puis passe à l’école supérieure de fabrication d’armement à Puteaux.

17 mai 1940 : Reversé à son régiment d’origine, il participe à la contre-offensive de Moncornet (Aisne) sous les ordres du colonel De Gaulle. Quelques citations et blessure sur la Somme.

Armistice (22 juin 1940) : Marc est muté au 1er Régiment de Chasseurs à Vienne et, refusant de prêter serment au Maréchal Pétain, se voit refuser la Légion d’Honneur pour laquelle il avait été proposé à titre militaire en  regard de son comportement courageux lors de la campagne de France.

Avril 1941 : départ pour le Maroc (Meknès, grâce aux Ausweiss de son camarade de régiment François Lehideux, devenu ministre à Vichy), pour camoufler du matériel de cavalerie et le mettre hors de la portée des Allemands.

En avril 1942, il est nommé à la Direction du Matériel à Clermont-Ferrand puis à Paris. Il profite de cet emploi pour  faire passer clandestinement plusieurs tonnes de matériel en zone libre.

11 novembre 1942, date anniversaire (!), occupation allemande de la zone libre (opération Anton). Marc quitte la Direction du Matériel et entre à l’Organisation Civile et Militaire (OCM) d’Alfred Touny afin d’aider à la mise en place de la résistance en région parisienne.

Mai 1943, il reçoit la responsabilité du commandement des formations militaires de l’OCM.



Juillet 1943, il quitte I’OCM et partage avec André Favereau, alias Brozen le commandement des maquis de la zone Nord (une vingtaine de départements).  Objectif :  préparer les actions accompagnant le débarquement.

Fin mars 1944 : Marc O’Neill prend en charge la Région P2 (Délégué Militaire Régional) : Loiret (Roger Mercier), Loir-et-Cher (Vesine de La Rue) , Eure et Loir (Maurice Clavel), Cher (Armand de Voguë) ; Marc est sous les ordres  du Colonel Rondenay  (Région Nord)  et du Général  Koenig  (DMN, soit  Délégué militaire National, et co-vainqueur français de Bir-Hakeim).

5 mai 1944 : premier parachutage du Loiret (Message de Londres :  les sangliers sortent du bois).

Début juin 44 : Marc installe son PC près de Vitry aux Loges, à la « Ferme de la Folie », à 2 kilomètres du maquis de Lorris, puis le 15 juillet à la « Belle Sauve ».

Jusqu’au Débarquement, il s’occupe de la mise en place des différents plans (parachutages, liaisons), et prend part avec ses maquisards à la Libération de la région par des raids de harcèlement des forces allemandes par des unités motorisées.  Les maquis d’Eure-et-Loir grossissent en même temps que les moyens de communication allemands diminuent.

Le 17 Juillet 1944, le maquis de Vitry-aux-Loges  commandé par Benjamin Passet (alias capitaine Albert), est attaqué par les Allemands et se replie vers le maquis de Lorris.

Enfin, le 6 août 1944 survient l’attaque du maquis de Chambon, qui rejoint celui de Lorris.

Le maquis de Lorris situé près du carrefour d’Orléans comptera alors approximativement 600 hommes, répartis en 4 compagnies (3 au camp du Ravoir, et un au camp d’Aulnottes)

12 août 1944 à Chicamour (attaque sur la N60 d’une colonne allemande par le maquis) 60 morts allemands, 16 maquisards tués (incluant l’assassinat ultérieur des blessés), 2 civils, un enfant en représailles.

14 aout 1944 : Attaque lourde (blindés, mortiers) de 500 Allemands contre le maquis de Lorris au carrefour d’Orléans (qui est le carrefour des communes Lorris, Les Bordes, Ouzouer-sur-Loire et Montereau). Perte de 50 maquisards et assassinat de quelques civils, dont un enfant, en représailles. Les pertes allemandes sont importantes. C’était le dernier sursaut inutile et sanglant d’un ennemi qui savait qu’il avait perdu la guerre.

le maquis de Lorris – à ses morts et aux victimes du 14 août 1944. Tous les ans, le dimanche précédant le 14 août, une cérémonie de commémoration se déroule à Ouzouer-sur-Loire pour rendre hommage aux victimes de ce 14 août sanglant.



Marc O’Neill défilant à la libération d’Orléans

Le 17 août, les résistants entrent dans Châteauneuf, tout juste évacuée par les troupes allemandes et repartent le lendemain vers Orléans.

Contrairement aux ordres, le lieutenant-colonel O’Neill parvient à amener jusqu’à Paris deux maquis motorisés venant de Chartres et d’Orléans qui établissent le contact avec les unités de la 2ème DB à Morangis. Il dirige personnellement, le 25 août à Paris, la prise de l’Ecole Militaire avec deux sections pendant que les autres sections de ses maquis prennent le Ministère des Affaires Etrangères et la Chambre des Députés, opérations permettant de faire 930 prisonniers ; 27 morts sont à déplorer du côté des maquisards.

II retourne avec ses hommes à Orléans avant d’être nommé à la Délégation Militaire Nationale en septembre 1944. La capitulation allemande le trouve, en mai 1945, à la tête du 2ème Régiment des Hussards qu’il quitte, épuisé, pour le Bureau scientifique de l’Armée.

Entre 1946 et 1956, il devient officier de réserve et  intervient notamment dans une société de matières plastiques (Plastonyl). Fin 1954, il occupe le poste de Secrétaire adjoint de l’Ordre de la Libération, et réintègre l’armée en 1956 pour son départ en Algérie.

En 1956, le lieutenant-colonel O’Neill reçoit le commandement en second de la 532ème demi-Brigade d’Infanterie de l’Air en Algérie. Embarqué le 16 juillet à Marseille, il arrive à Oran le 17 et, tout de suite, il veut prendre part à une action menée par une unité voisine afin d’initier immédiatement les officiers de la demi-Brigade à ce type d’opérations nouveau pour eux.

A 40 kilomètres au Sud d’Oran, à Sidi Ghalem près de Safaroui, le 18 juillet 1956, l’unité qu’il suivait comme observateur tombe dans une embuscade tendue par un ennemi supérieur en nombre. Au cours de l’affrontement 23 hommes sont tués. Lui-même blessé est finalement fait prisonnier et fusillé après une nuit de tortures.

Cliquez pour afficher le rapport du 3e bataillonL'affaire Sidi-Ghalem dans laquelle Marc O'Neill fut tué

L’attaque de Sidi Ghalem
(Extraits du rapport du 532°DBFA 3° bataillon – 18 juillet 1956)

“ L’objet de l’opération était la fouille des mechtas avoisinant le marabout de Sidi-Ralem situé en : 204 200 242 200, (…) opération menée par le capitaine de gendarmerie (Serrano, NDLR) commandant la section de gendarmerie de St DENIS du SIG. De 13h30 à 15h30, les observateurs de la 532 DBFA remarquèrent d’incessantes allées et venues des indigènes sur la piste menant à SIDI RALEM. (…)

La 2e section (Lt Colonel O’Neill , NDLR) arriva vers 17h30, à une fontaine située dans le fond d’une sorte de cirque immédiatement au sud du marabout  et à quelques centaines de mètres du douar SIDI RALEM situé à flanc de coteau. 

A 17h50, un coup de feu claqua de l’autre côté de la crête 1. Il s’agissait sans doute du signal car immédiatement un feu intense d’armes automatiques fut dirigé des mechtas sur la 2e section stationnée près de la fontaine. (…) L’ordre de décrocher fut donné. le capitaine de gendarmerie (Serrano, NDLR) partit chercher des renforts.*

Une fraction de la 2e section réussit à passer la crête 2 mais la 2e fraction se trouva bientôt bloquée au niveau d’une bergerie (…) Au-delà un terrain nu s’étendait sur plusieurs centaines de mètres, infranchissables. Le colonel O’Neill , le lieutenant Darracq, quelques gendarmes et soldats se groupèrent autour de la bergerie. Mais accablés par le nombre, ils ne purent contenir l’assaut des rebelles. Le colonel O’Neill et 2 gendarmes entre autres furent faits prisonniers; il devaient être abattus 1500 mètres plus loin, approximativement en 203 241. (…)

L’autorité alertée vers 19h, décida étant donné l’heure de n’envoyer les renforts que le lendemain matin.”

* Il est intéressant ici de constater que le capitaine Serrano, parti « chercher des renforts » avant 18H, a déserté le combat, ce qui lui a valu pour sa conduite 60 jours de forteresse. Pendant la désertion, le combat fut âpre comme l’indique le lieutenant Darracq, rescapé, qui a essuyé le feu sous les ordres de Marc O’Neill à Sidi Ghalem : « le feu a duré deux heures dont une heure absolument intense » (donc jusqu’à 20H, NDLR). Les renforts n’arrivèrent donc que le lendemain. On peut conclure, que sans la désertion du capitaine Serrano, Marc aurait peut-être pu être sauvé.


Temporairement inhumée au cimetière du Petit Lac à Oran, la dépouille du lieutenant-colonel O’Neill est rapatriée en France et de nouveau inhumée le 7 juin 1957 en forêt d’Orléans, devant le monument aux morts du maquis de Lorris que Marc O’Neill avait dirigé (avec Maurice Clavel) pendant la guerre.


Marc O’Neill a été décoré des distinctions suivantes :

  • Officier de la Légion d’Honneur
  • Compagnon de la Libération – décret du 26 septembre 1945
  • Croix de la Valeur Militaire avec palme (titre posthume)
  • Ordre de l’Empire Britannique
  • Croix de Guerre 1939-1945 avec palme.

Une personnalité unique: Le « sabreur de charme »


Il était d’un courage sans limite, d’une énergie farouche – comme dix mille autres. Marc fut une légende vivante. D’autres ont tracé un sillon durable que scruteront les historiens. Lui, c’était un sillage, comme sur la mer qu’il aimait violemment. Il ne reste rien d’un sillage, mais il a donné à rêver.  (Citation de Charles Verny)

Brozen-Favereau rencontre Marc pour sa prise du commandement des maquis de la zone Nord (38 départements) « Ce premier contact est inoubliable. Son regard gris-vert, le chapeau cassé sur l’œil, une silhouette distinguée mais très aventureuse. Le chic de Marc était extrême. Une séduction ».

Marc O'Neill en cavalière anglaiseLe fantaisiste : la cavalière anglaise

Il commence sa carrière militaire à  Saint-Cyr (Promo 1930), puis à l’Ecole d’application de Saumur.

Il y eut à Saumur, cette année-là, un concours hippique international d’élégance pour cavalières, sous la présidence du général commandant l’Ecole.

Une jeune anglaise se présenta, qui ne parlait pas un mot de français, mais dont la grâce fut sans rivale. Elle reçut les flots des mains galantes du général et se lança au galop pour son tour d’honneur. Marc O’Neill jeta alors sa perruque dans la tribune d’honneur et troussa la longue robe dont il s’était affublé, en hurlant «A boire! A boire! » Ses quarante jours d’arrêts furent les plus gais de l’histoire de Saumur. (Gilles Perrault)

Le fracassant

Un jour (1942), raconte Charles Verny, adjoint maquisard OCM de Marc, on marchait tous les deux dans je ne sais quelle rue de Paris. Au bout d’un moment,  je dis à Marc : j’ai l’impression qu’on est filés. Effectivement, un type nous suivait. Je n’étais pas armé. J’ai dit à Marc :  Passe-moi ton revolver et fiche le camp. Il m’a répondu : « Attends: tu vas voir ». On s’est embusqués dans l’ombre, adossés à la grille d’un square. Quand le type est  arrivé à notre hauteur, Marc s’est jeté sur lui. Il l’a empoigné à la cravate et aux couilles et l’a balancé tout hurlant par-dessus la grille du square.

Je n’ai  jamais trouvé chez quelqu’un une telle rapidité de décision et une telle impétuosité dans l’action. Marc était foudroyant.

extrait du journal des Compagnons de la Libération (1956)

L’homme de cœur

Il a pardonné à ceux qui l’ont « donné » (à la Gestapo) : Roland Farjon, André Grand-Clément, et sans doute d’autres. Il disait, donnez-moi, je tiendrai bien deux jours (sous la torture) pour que les autres camarades aient le temps de s’en aller.

Au maquis, malgré tous ces pardons qu’il a donnés aux « amis » traîtres, il ne s’est jamais fait prendre par les nazis. Son secret était très simple : il n’a jamais eu d’adresse fixe, ce qui n’est pas simple à vivre.

Il avait choisi cette voie de maquisard : celle de la générosité, où on donne tout alors qu’il n’y a surtout que de très mauvais coups à prendre, et peu de reconnaissance. Lors de la Libération de Paris, où il a accompagné avec ses 3000 maquisards la 2° DB du maréchal Leclerc, ce dernier lui a interdit de participer au défilé  sur les Champs-Elysées et lui a intimé l’ordre de rentrer au maquis. Vraisemblablement, par crainte de cette bande de « brigands » indisciplinés. (G.  Perrault, La Longue Traque)

L’amoureux de la France 

Laissons parler son ami Maurice Clavel : « Une fois, un instant, je l’ai vu pleurer, il ne s’en rendait pas compte. Il me parlait – cela ne lui arrivait jamais – de cette France qui allait renaître de sa délivrance. «Cette France, tu me comprends ? Enfin tu vois ? Tu me suis ? cette France si pure, voilà, j’ai trouvé.., si belle ».

Aujourd’hui, dans un monde déserté par les idéaux, cela paraît si beau.

Et le père ?   

Nous avons demandé à sa fille Maureen le souvenir qu’elle avait de son père : « un grand absent ». Marc avait soif d’aventures, de risque, de jeu comme on le retrouve chez un certain nombre dans cette famille O’Neill. Il en avait besoin. Le quotidien n’était pas fait pour lui.

Le sujet, bien sûr, n’est pas simple.

Enfants : Jean-Hugues (1936), Maureen (1937, Madame Jacques Dauchez), Georges (1943)


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Sources (entre autres) :

Jacques Dauchez

Jacques Dauchez, Mari de Maureen

Jean-Hugues O'Neill

Jean-Hugues O’Neill, fils de Marc

Bibliographie (extraits consultables ci-après):